24 juillet 2009

Le Cercle des Anciens


Si vous prenez quelques vacances et n’avez pas encore bouclé votre valise d’été, glissez-y « Le Cercle des Anciens » coécrit par Patrice Van Eersel et Alain Grosrey !
Attirée par sa couverture, un soleil levant, j’ai découvert ce document littéraire étonnant et magnifique dans ma librairie de quartier, par hasard, et je l’ai dévoré en trois jours.

Tout au long de ses 500 pages, au format poche, il relate et témoigne d’un événement extraordinaire qui s’est déroulé en avril 1997 à l’Institut bouddhique de Karma Ling, en Savoie, et qu’aucune télévision française n’avait pourtant jugé bon de couvrir entièrement à l’époque : la rencontre d’hommes-femmes-médecine issus des plus anciennes traditions du monde, à l’invitation du Dalaï Lama entouré pour l’occasion de représentants des trois religions du Livre.

Le premier à avoir initié le dialogue inter-religieux est le pape Jean-Paul II. Avec le charisme qu’on lui connaît, c’est lui qui a présidé au grand rassemblement d’Assise en octobre 1986. Mais à Karma Ling la démarche est sensiblement différente puisqu’au centre de la rencontre siège, cette fois, le collège des ancêtres.
Le projet est ambitieux. Il s’agit de réhabiliter les plus vieilles traditions spirituelles du monde et aussi de faire dialoguer l’humanité avec elle-même, dans le respect des différents courants de pensées issus des cinq continents et de tous les âges.

Avec le Cercle de Vie, cercle sacré, la ronde du zodiaque et la roue du Tarot, nous avons un même symbole. Et je m’interroge déjà. Quand l’humanité sera-t-elle une famille unie, quand formera-t-elle une ronde joyeuse à l’image de celles que nous formions enfants ?

J’avoue n’avoir aucun souvenir de cet événement religieux. Y avais-je seulement prêté attention ? Il faut dire que 1997 fut pour moi une année d’intériorisation complète, une année balsamique, sombre et à la fois si riche et fertile, qui a déterminé mon engagement dans la voie spirituelle. Etrangement, cette belle couverture, toute d’ébène, de lumière et de joie enfantine, rend parfaitement compte de mon vécu et de mon ressenti à cette époque charnière de ma vie : une véritable tabula rasa et une nigredo, la fameuse rencontre avec la part noire, juste avant de franchir un seuil et de forcer l’entrée d’un nouveau monde, comme une question de vie ou de mort, et au final de renaissance heureuse.

Et c’est exactement la teneur du message de ces hommes et femmes qui forment un axe du monde de chair et d’os dressé au milieu du chaos. Ils sont les derniers survivants et gardiens des traditions primordiales : les sages de la terre. Ils sont toujours là, ‒ mais pour combien de temps encore ? ‒, pour nous rappeler des valeurs et des vertus aussi simples et premières que le respect et l’amour ; à nous les modernes, qui les avons moqués, méprisés et brisés de façon si barbare afin de les soumettre à notre vision du monde matérialiste, et donc mortifère.

Au lendemain du film Home d’Arthus-Bertrand, et surtout afin de ne pas zapper très vite comme le veut notre époque, cet ouvrage résonne à la fois comme un cri déchirant et comme un murmure d’amour.

Patrice Van Eersel, que j’ai découvert avec « La Source blanche », ‒ je lisais à l’époque les « Dialogues avec l’ange » et j’ai voulu en savoir plus sur cette étrange histoire ‒, est depuis longtemps passé maître dans l’art du récit. Ainsi « Le Cercle des Anciens » démarre sur une note légère tout en nous conviant à entrer peu à peu dans la magie et l’émotion qui ont entouré ces journées si exceptionnelles.
Chargé de la rédaction de la première partie du livre intitulée « Le feu de la rencontre », Van Eersel se fait à la fois conteur et interviewer. C’est passionnant, instructif et aussi très émouvant.

J’ai été spécialement attentive au message de l’Afrique à travers Monté Wambillé, le chef des Rendillés du Kenya, et Daagbo Hounon Houna, le « chef officiel du vaudou mondial » ; j’ai été curieuse vis-à-vis du témoignage de l’Asie centrale représentée par Fallyk kantchyyr-Ool, le président de la « Fédération chamanique » de Touva, et Nadia Stepanova, la chamane de Bouriatie ; et j’ai aussi été captivée par le message/avertissement des Amériques à travers les voix de Don Hilario Chiriap (mon préféré peut-être), Shuar d’Amazonie équatorienne, de l’aztèque Tlakaelel, d’Aurelio Diaz de la Confédération du Condor et de l’Aigle, de l’Apache Morgan Eaglebear, de la Cheyenne Mary Elizabeth Thunder, et de Grandmother Sarah Smith, la représentante des Mohawks.
Tous ont participé, avec une grande attention réciproque, aux cérémonies rituelles d’ouverture et à des prières collectives, puis se sont entendus pour passer à l’action et au politique. Et ils ont créé l’Organisation des Traditions Unies (OTU).

Bien sûr, je n’oublie pas les interventions des représentants des trois grandes religions, avec une palme pour celle du soufi, le Cheikh Bentounès : Dieu aime la diversité. Un petit bijou dont j’aurai certainement l’occasion de citer quelques extraits.

Quant aux deuxième et troisième parties du livre, « La claire vision du monde primordial » et « Le fleuve de l’action éclairée », elles ont été laissées aux soins d’Alain Grosrey. Le ton change et devient plus savant, et il y a vraiment matière à réflexion. Pour tout dire, j’ai lu « Le Cercle des Anciens » le surligneur à la main...

Il s’agit d’un ouvrage majeur, inspiré, et rempli d’amour. Car ces hommes et femmes du monde entier se sont tous donné la main afin de nous adresser un message d’espoir et d’Alliance. Saurons-nous seulement les entendre et faire de même en ces temps de grands changements et de bifurcation, maintenant où tout est possible?
Je les ai écoutés attentivement et j’en suis encore bouleversée.


Isabelle Cantin - HRIDAYA / juillet 2009 / Tous droits réservés

03 juillet 2009

Correspondances


La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.

Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies
‒ Et d’autres, corrompus, riches et triomphants.

Ayant l’expansion des choses infinies,
Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,
Qui chantent les transports de l’esprit et des sens.

Charles Baudelaire, « Correspondances »,
S
pleen et Idéal IV., in Les fleurs du mal.


« Correspondances » d’après un poème de Baudelaire,

Peinture/photomontage
« Fleurs », Hridaya,
et montage Photoshop, M. Michelet
© Isabelle Cantin - juillet 2009