05 mai 2009

La révolte de l’essentiel


« Je rencontre de plus en plus de gens qui sont intéressés par les pratiques méditatives. La plupart sont poussés par un malaise intérieur. La situation actuelle de l’homme occidental est une forme d’existence qui s’éloigne de plus en plus de son Être essentiel. L’esprit occidental a créé une civilisation qui invente tout ce qui est possible pour gagner en liberté. Mais, ce faisant, l’homme devient prisonnier d’une immense organisation qui commence à bouger selon ses propres lois. Et l’homme, pour ne pas être écrasé par cet immense robot qu’est le monde des objets et des techniques, doit s’adapter. En s’adaptant, l’homme devient de plus en plus une chose, un objet. Il a une fonction et devient un fonctionnaire à haut rendement. Mais lui, être humain, est ignoré et s’ignore. Notre civilisation efface l’humain dans l’homme. L’individu est effacé. Il est reconnu dans ce qu’il sait, dans ce qu’il a et dans ce qu’il peut mais il est méconnu dans ce qu’il est. L’homme-objet a effacé l’homme-sujet. Il est réduit au fonctionnaire du monde objectif qui doit fabriquer des objets, les vendre et les acheter.

Où est l’homme-sujet ? Il suffoque. Et précisément parce qu’il suffoque, il s’éveille. Il se rebelle. Mai 68 est un cri qui s’enracine dans cette souffrance de l’homme-sujet qui veut être reconnu.

De plus en plus d’hommes et de femmes sont prêts, aujourd’hui, à faire des exercices pour retrouver le contact avec leur profondeur humaine, avec leur Être essentiel.

Il y a, à la base de l’intérêt pour la méditation, le désir ou la nostalgie de se retrouver dans son Être essentiel. C’est un événement extraordinaire que pour la première fois dans l’histoire de l’humanité l’homme occidental s’ouvre à ce que l’Orient a toujours appelé le chemin intérieur. Autrement dit, l’homme occidental envisage une vie religieuse dans l’exercice. Alors que jusqu’à aujourd’hui la vie religieuse avait pour seule base la foi. Au-delà des religions existe le chemin intérieur individuel. Le mystère ne s’ouvre qu’à celui qui a le courage d’un réalisme empirique.

(...)
L’expérience de l’Être, ce que l’Orient appelle satori, n’a pour celui qui professe la foi chrétienne que peu d’importance. Quand elle n’est pas envisagée avec méfiance. Une grande partie du monde scientifique, psychologique et politique refuse ces expériences dans la crainte de l’attaque de leur système par une force qui est au-delà de tous les systèmes parce que transcendante. Mais ils ne pourront pas s’opposer à cette révolte de l’essentiel qui représente tout à la fois une réponse à une situation personnelle, une réponse actuelle en rapport avec notre temps et une réponse universelle parce qu’elle
correspond à un nouveau degré de la maturation humaine.


Karlfried Graf Dürckheim, « Le Centre de l'Être »,
Propos recueillis par J. Castermane

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