25 avril 2009

Gamaka - Le cœur du poète s’exprime


Je ne me considère comme inférieur à personne depuis que j'ai réalisé en moi-même l'Être unique.


Tout ce qui peut paraître m'élever, en vérité me rabaisse à mes propres yeux ; ce qui seul m’élève est le complet oubli de moi-même dans la vision parfaite de Dieu.

Il n'y a rien que je considère trop bon pour moi ou trop inaccessible ; au contraire, tout semble être à ma portée depuis que je suis arrivé à la vision de mon Seigneur.

Il n'est aucune action que je considère trop humiliante pour moi ; il n'y a pas de position si élevée soit-elle, qui puisse me rendre plus fier que je ne le suis déjà dans l'orgueil de mon Seigneur.


L’amour ne m'exalte pas plus que la haine ne me déprime, car tout me semble naturel. La vie est pour moi un rêve aux constantes métamorphoses et, quand je retire mon vrai moi du faux moi, je sais toutes choses, tout en restant à l'écart ; je m'élève ainsi au-dessus de tous les changements de la vie.

Peu m'importe qu'on me loue au point de m'élever de la terre au ciel ou qu'on me blâme au point de me jeter des cimes les plus hautes dans les profondeurs de la terre. Pour moi, la vie est un océan au mouvement perpétuel dont les vagues de la faveur et de la disgrâce se soulèvent et retombent constamment.

Tomber ne me brise pas, ne me décourage pas ; c'est pour moi la possibilité d'atteindre une sphère de vie encore plus haute.

Je n'aurais pas pu apprécier la beauté de la vertu si j'avais ignoré le péché.

Je considère que toute perte dans la vie équivaut à se débarrasser d'un vieux vêtement pour en revêtir un nouveau, et le nouveau a toujours été meilleur que l'ancien.

Mes fautes m'ont appris plus que mes vertus. Si j'avais toujours bien agi, je ne pourrais pas être humain.

Mon intuition ne me trompe jamais, mais je me trompe si je ne l'écoute pas.

La patience est la leçon que je me suis donnée depuis le moment où j'ai marché sur la terre. Depuis lors, j'ai essayé sans relâche de la pratiquer, mais j'ai toujours à apprendre encore.

Je ne blâme personne pour ce qu'il fait de mal, mais je ne l'encourage pas dans cette voie.

En donnant le bonheur aux autres, je ressens le plaisir de Dieu ; mais je sens que pour ma négligence, je mérite son blâme.

Toute âme est devant moi comme un monde et en tombant sur elle la lumière de mon esprit me fait voir clairement tout ce qu'elle contient.

Rien ne me semble trop bon ou trop mauvais. Je ne fais plus de distinction entre le saint et le pécheur depuis que je contemple la vie unique qui se manifeste en tout.

Je considère que tout ce que je fais à autrui est une action envers Dieu et que tout ce qu'un autre fait à mon égard est une action de Dieu.

Aussi longtemps que j'agis suivant ma propre intuition, je réussis, mais si je suis l'avis d'un autre, je fais fausse route.

Je travaille simplement sans m'occuper des résultats. Je trouve ma satisfaction dans l'accomplissement du travail qui m'est dévolu, le faisant pour le mieux suivant mes capacités, et j'abandonne les effets à la cause.

La vie dans le monde m'intéresse infiniment, mais la solitude loin de la foule est l'aspiration de mon âme.

Je me sens moi-même quand je suis seul avec moi-même.

En respectant chaque être que je rencontre j'adore Dieu, et en aimant toute âme sur la terre je sens ma dévotion pour Lui.

Rien ne me plaît davantage dans la vie que de faire plaisir aux autres ; mais il est difficile de plaire à chacun.

Je suis prêt à apprendre de ceux qui viennent m'enseigner, et disposé à instruire ceux qui désirent apprendre.

Je considère tout obstacle sur ma route comme un encouragement au succès.

Je voudrais avoir le ciel ou l'enfer, mais pas le purgatoire.

Je n'ai pas l'intention d'instruire mes semblables, mais de leur montrer tout ce que je vois.

Je loue mon exil qui me fait vivre sur terre loin du jardin d'Éden! Si je n'avais fait cette chute, je n'aurais pas eu l'occasion de sonder les profondeurs de la vie.

Au moment où je quitterai cette terre, ce ne sera pas du nombre de mes disciples dont je serai fier ; ce qui me consolera, c'est la pensée que j'ai apporté Son message à quelques âmes, et la conscience qu'il les a aidées dans la vie me donnera satisfaction.

Je ne suis pas venu pour changer l'humanité, je suis venu pour l'aider à avancer.

Si quelqu'un frappe mon cœur, il ne se brise pas, mais il éclate, et la flamme qui en jaillit devient une torche sur mon chemin.

Mon profond soupir s'élève comme un cri de la terre et une réponse monte en moi comme un message.

Je suis une marée de l'océan de la vie, et je porte vers le rivage tous ceux qui sont pris par mes vagues.


Extrait de Gayan d’Hazrat Inayat Khan,

grand maître soufi et musicien indien,
qui apporta la sagesse du soufisme à l’Occident au début du XXème siècle.



Aucun commentaire: