02 avril 2007

« We are the world »



Le goût de l’avenir (3)

« Ce que vous êtes revêt une importance capitale, car vous êtes ce monde et ce monde est vous. C’est cela la compassion. »

« Si l’on s’assoit tranquillement au pied d’un arbre, on sent l’insondable mystère qui entoure la terre millénaire. Au cours d’une nuit paisible, lorsque les étoiles étincellent tout près de vous, on prend conscience de l’espace en expansion et de l’ordre mystérieux qui régit toutes choses, conscience de l’incommensurable et du rien, du mouvement des collines sombres et du cri du hibou. »
Extraits du Journal de Krisnhamurti


L’homme est le monde. Et ce monde est l’homme, disait Jiddu Krishnamurti.

Pour celui ou celle qui souhaite se déconditionner et se libérer, il n’y a pas meilleure lecture que celle de Krishnamurti.
Car quel autre que lui a pendant cinquante ans enseigné que les mutations fondamentales de la société ne peuvent aboutir qu'au prix d'une transformation de la conscience individuelle. Quel autre que lui a mis l'accent sans relâche sur la nécessité de la connaissance de soi et sur la compréhension des influences limitatives et séparatrices du conditionnement religieux et nationaliste.

Les différences nées de la diversité des langues et des cultures ont occulté l’identité bio-anthropologique commune. Tel est le constat dressé depuis plusieurs années par Edgar Morin qui justement en appelle à l’inscription dans la Terre-Patrie.
Aujourd’hui, la communication universelle quasi-instantanée révèle des spécificités, des altérités, qui étaient jusqu’ici insoupçonnées et passaient inaperçues. A l’ère planétaire où l’interdépendance se généralise, le monde devient « notre maison » et pourtant, loin de rapprocher les hommes, la globalisation a aussi pour conséquence de lever les sociétés les unes contre les autres.

« Inquiétante étrangeté ».
L’étranger, sur qui nous projetons nos craintes de l’inconnu et de l’étrange, est depuis toujours mal-aimé, voire haï, en tous les cas stigmatisé. Sources d’incompréhension, d’insanité aussi, les différences virent aux conflits. Se percevant comme des rivales, les sociétés s’entre-tuent. Les religions monothéistes appellent leurs fidèles à combattre le Dieu concurrent. La nation et l’idéologie suscitent de nouvelles haines.
Aussi espérons qu’un jour, au-delà des égocentrismes et des ethnocentrismes, nous saurons reconnaître en tout ce qui vit sur Terre une même communauté de destin — un destin terrestre—, et nous verrons peut-être en cet autre, non plus un ennemi, mais un frère humain.

Alors quel politique, homme ou femme, va enfin se risquer à nous révéler notre identité terrienne ?!!! Quand serons-nous des citoyens terrestres ? Quand habiterons-nous la Terre, au sens où l’entendait le poète allemand Hölderlin.
Car sans cette prise de conscience préalable, l’homme n’assumera jamais sa responsabilité vis-à-vis de la planète et tous les vœux écologistes resteront lettre-morte. Posons-nous cette question simple : quelle nation se sacrifierait pour sauver la planète et le reste de l’humanité ?
Aucune. La messe est dite.

Depuis les temps immémoriaux, l’homme a fait fausse route. Car il a cultivé la haine et la violence plutôt que l’amour, nous instruit Krishnamurti. Il est maintenant nécessaire de changer puisque les dangers sont à ce point rendus qu’ils sont mortels à l’échelle de la l’humanité.

Comment faire ?
En mettant en avant ce qui unit et rassemble au lieu de focaliser sur ce qui divise, ce qui fragmente. Car de la division naissent le conflit et la souffrance. Le mal divise et n’engendre que le mal.
Comment l’homme a-t-il pu imaginer apporter la paix en faisant la guerre ? Cela ne se peut. Le dernier exemple en date est la fameuse « Pax americana » que G.W. Bush et les néoconservateurs de Washington ont essayé de répandre au Moyen-Orient en vertu de la soi-disant théorie des dominos. Au vu de la situation actuelle, nombreux sont ceux qui pointent la naïveté de tels mobiles pour plutôt évoquer une volonté d’instaurer le chaos dans cette région du monde.
Enfin et surtout, c’est en changeant nous-mêmes que nous changerons le monde.

Le problème individuel est le problème du monde : le monde est le reflet de ce que l’homme projette sur lui. Or, ce qu’il projette, ce sont ses complexes intérieurs, ses conflits internes, ses frustrations, ses peurs, ses avidités, ses mobiles et ses ambitions. De sorte que le problème individuel, explique Krishnamurti, devient le problème mondial.
Le monde et l’individu sont intimement reliés et ne peuvent être séparés. La pensée de Krishnamurti rejoint ici celle de G.G. Jung pour qui « Nous sommes, dans ce que notre vie a de plus privé et de plus subjectif non seulement les victimes, mais aussi les artisans de notre temps. Notre temps — c’est nous ! ».
L’état du monde a été créé par les individus, c’est-à-dire par moi et par vous.

En me changeant moi-même je peux changer le monde : l’homme intérieur prédominant toujours sur l’extérieur en ce sens que le monde est son reflet, c’est donc cet homme intérieur qu’il faut transformer.
Pour transformer le monde, il faut commencer près, avec soi-même. Car « transformer le monde » n’a en réalité aucun sens : on ne peut attribuer le monde à personne ! A l’inverse, l’individu vous l’attribuez à quelqu’un : c’est vous, c’est moi. Par conséquent, il faut commencer par soi-même. Il n’y a pas d’autre façon de faire.

« Tant que je suis avide, tant que je suis nationaliste, tant que j’ai soif d’acquérir, je crée une société dans laquelle l’avidité, la soif d’acquérir et le nationalisme sont déchaînés, ce qui conduit à des conflits et enfin à la guerre. Manifestement, il ne peut pas y avoir de mécanisme de changement tant que je suis avide, tant que je suis à la recherche du pouvoir, car mes actions provoqueront inévitablement une condition basée sur le pouvoir, politique, religieux ou social, qui en fin de compte conduira à un conflit. Etant le processus total de la société, je suis responsable de la guerre ; et si je désire ardemment la paix, je dois cesser d’être avide, accapareur, je ne dois avoir aucune nationalité, je ne dois appartenir à aucune religion organisée, ni à aucune idéologie. Je suis le processus total du monde, et si je change, si je me transforme, j’engendre une transformation radicale dans la société. (...) Et l’homme qui veut comprendre la signification totale de l’existence doit se comprendre lui-même — non en tant qu’individu s’opposant à la société, à la masse, mais en tant que processus total. C'est-à-dire qu’il doit être conscient de chaque pensée, de chaque sensation, de chaque action ; (...). Un tel homme connaîtra l’amour ; étant libre des éléments qui créent l’antagonisme — la croyance, le nationalisme, l’acquisition — il sera un des facteurs de la transformation du monde. » Extrait de « De la connaissance de soi ».

A la lecture de cette vision claire et pénétrante, je comprends qu’une politique et une géopolitique « révolutionnaires » sont encore à inventer.
J’emploie ici le mot « révolution » car un basculement, du conflit et de la guerre vers le pôle opposé qu’est l’amour, est ni plus ni moins nécessaire.

A suivre...

Aucun commentaire: